« Dès que j’entends un chant d’oiseau, je récupère mes forces et j’oublie mes soucis. Je peux être mourant, si j’entends un chant d’oiseau, je suis guéri ! »
C’est sans doute l’un des traits les plus caractéristiques de la musique d’Olivier Messiaen : cette fascination pour le chant des oiseaux qu’il commence à noter dès 1923 et qu’il retranscrit dans sa musique. À plusieurs reprises, il prend des cours d’ornithologie pour approfondir ses connaissances et se perfectionner.
Crayon et papier à musique à la main, l’oreille affûtée et l’œil aux aguets, il sillonne les campagnes et les montagnes aux petites heures du matin ou au coucher du soleil pour noter ses chants d’oiseaux.
« …il faut avoir une oreille extrêmement exercée et être capable d’écrire très rapidement quelque chose que l’on retient pendant que l’on entend autre chose que l’on retiendra également ; il s’agit donc d’un double travail cérébral assez fatigant. Je vais dans la nature avec du papier à musique, un carton à dessin qui me sert d’appui, des pinces pour retenir mon papier au cas où le vent l’emporterait parce qu’il faut penser à tout, une armée de crayons, de gommes, de taille-crayons… » *
Les oiseaux de Messiaen sont le chocard des Alpes, le loriot, le traquet stapazin, l’alouette lulu, la chouette hulotte, le cossyphe de Heuglin, l’hypolaïs polyglotte… Il vient les rencontrer dans leur habitat naturel et les écoute inlassablement aux quatre coins du monde, en Matheysine, sur les bords de la Charente, au Japon, dans l’Utah pour Des Canyons aux étoiles ou en Nouvelle-Calédonie pour Saint François d’Assise. Ces chants d’oiseaux sont ensuite utilisés dans sa musique, transcrits le plus fidèlement possible ou comme un matériau musical souple qui va subir différentes transformations. Son emblématique Catalogue d’oiseaux est à ce titre particulièrement représentatif. Conçu à la manière d’un recueil spécialisé, il est consacré aux
« Chants d’oiseaux des provinces de France » et, comme indiqué en préface de la partition, présente chaque « soliste » dans son habitat, « entouré de son paysage et des chants des autres oiseaux qui affectionnent la même région ». Le paysage du Chocard des Alpes, première pièce du recueil, est celui de l’Oisans dans les Alpes du Dauphiné et de la montée vers la Meije. Le Merle bleu évolue du côté des falaises de la Côte Vermeille dans le Roussillon, « au-dessus de la mer bleue de prusse et bleu saphir ». L’Alouette lulu nous emmène dans le Forez, la Bouscarle sur les bords de la Charente, le Courlis cendré sur l’île d’Ouessant, dans un paysage de brouillard et de nuit sur la mer où « tout est noir et terrible ». C’est tout l’environnement de l’oiseau qui intéresse Messiaen, et au-delà, c’est toute la nature qui l’inspire et qu’il vénère, création divine et harmonieuse, en résonance parfaite avec sa foi chrétienne.
Les montagnes de son enfance, celles du Dauphiné, occupent une place particulièrement chère dans son cœur. « J’aime toutes les natures, et j’aime tous les paysages, mais j’ai une prédilection pour la montagne parce que j’ai passé mon enfance à Grenoble et que j’ai vu, dès mon jeune âge, les montagnes du Dauphiné… (…) et des endroits spécialement sauvages qui sont les plus beaux de France comme le Glacier de la Meije, moins célèbre que le Mont Blanc mais certainement plus terrible, plus pur, plus séparé… »* La montagne est source d’inspiration – le compositeur a sillonné Bryce Canyon dans l’Utah pendant une semaine avant de composer Des Canyons aux étoiles – mais peut aussi devenir salle de concert : pour Et Exspecto resurrectionem mortuorum, il envisage la haute montagne comme lieu possible d’exécution de l’œuvre. Peut-être pour rapprocher un peu plus l’homme de l’immensité céleste…
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* in Claude Samuel, Entretiens avec Olivier Messiaen, éditions Pierre Belfond, 1967